November 12, 2024

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LA FORET ET LES FORESTIERS :

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by ETLESF LA FORET · Cited by 1 — LES CAHIERS FORESTIERS DE GEMBLOUX visent à faire connaître les travaux (documents techniques, rapports de recherche, publications, articles de.

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2 LES CAHIERS FORESTIERS DE GEMBLOUX visent à faire connaître les travaux (documents techniques, rapports de recherche, publications, articles de vulgarisation) émanant des Unités des Eaux et Forêts de la Faculté Un iversitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux et de ses groupes de recherche, financés par des organismes internationaux , nationaux ou régionaux. Adresse de contact : Unité de Gestion et Economie forestières Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux B – 5030 Gembloux Œ Belgique Tél : 32 (81) 62 23 20 Fax : 32 (81) 62 23 01 E-MAIL : rondeux.j@fsagx.ac.be http://www.fsagx.ac.be/gf

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3 LA FORET ET LES FORESTIERS : REALITES, NOUVELLES APPROCHES ET DEFIS(*) Jacques RONDEUX (1) Résumé Dans cet article, l’auteur rappelle ce qu’il faut entendre par la notion objective de forêt et d’écosystème forestier. Il évoque les diverses et nombreuses fonctions de la forêt en nuançant la signification même de la forêt à “usages multiples”. Le rôle du forestier est ensuite analysé aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement au travers de quelques grands types d’activités à mener ou de réflexions à développer. Un e attention particulière est portée à la mission du forestier de demain : lutter contre l’appauvrisseme nt des ressources naturelles, intégrer les aspects écologiques, économiques et sociologiques dans ses prises de décision et apprendre à gérer les risques font partie des principaux sujets évoqués. Mots-clés : écosystème, forêt, forestier. The forest and the foresters : new approaches and challenges Abstract : In this paper, the author states his views co ncerning the objective notion of “multiple use” forests and the forest ecosystem itself. The role of the forester and the challenges facing him in both highly industrialized as well as developing countrie s are analyzed in the light of new approaches and concepts. Particular attention is focused on his role in the future and some of the points considered are : efforts to prevent depletion of natural resources, the integration of ecological, economic and sociological aspects in management practices, the decision making under risk situation. Key words : ecosystem, forest, forester. (*) Communication présentée dans le cadre du centenaire de l’Association des Ingénieurs issus de la Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux (17 janvier 1990). Déjà publié dans : Annales de Gembloux. 1990, 96 : 1-19. (1) Professeur. Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux. Département des Eaux et Forêts. Unité de Gestion et Economie forestières.

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41. Les notions de forêt et de forestier “Vaste étendue de terrain peuplée d’ arbres” ou “grande étendue de terrain plantée d’arbres”, telles sont les définitions suggérées par les dictionnaires contemporains pour ce qui occupe plus de 30 % des terres émergées de notre globe : la forêt. Il s’agit évidemment là d’un concept strictement visuel et d’une définition laconique pour nombre de personnes dont, en premier lieu, le forestier que ces mêmes dictionnaires définissent encore plus laconiquement comme étant “celui qui exerce une charge dans une forêt”. Comprendre la nature de la forêt, co nnaître les mécanismes qui régissent son évolution, apprécier son importance et ses rôles nécessitent une approche infiniment plus complète. Pour le scientifique il s’agit d’une biocénose ou d’un ensemble complexe de nombreux êtres vivants ayant entre eux d’évidents liens de dépendance et exerçant les uns sur les autres des actions et réactions réciproques dans un milieu physique déterminé. Cet ensemble, constitué essentiellement d’arbres, d’arbrisseaux et de plantes herbacées, se développe en relation étroite avec le climat et le sol, siège d’une microflore et d’une microfaune propres; il comporte aussi un monde animal spécifique allant des petits animaux à la grande faune sauvage. Fragile et diversifié, il est en outre dynamique dans sa composition et sa structure à un point tel que son équilibre peut être continuellement menacé et qu’il appartiendra à l’homme de le maîtriser au mieux, dans des limites qu’il aura soigneusement fixées. La forêt, élément essentiel au maintien des formes et manifestations évoluées de vie, peut revêtir divers aspects. Objet de nombreuses valorisations par l’homme, elle est aussi victime d’innombrables agressions par ce même homme. Quelles sont les orientations à prendre pour que la forêt de demain remplisse toujours les nombreuses et nouvelles missions qu’on lui reconnaît, compte tenu d’un certain nombre de réalités liées à l’évolution de notre monde et des défis qu’il convient sans cesse de relever ? Ces questions interpellent un homme p armi les autres : l’ingénieur forestier, un de ces ingénieurs du vivant qui devra imaginer, concevoir, expérimenter puis appliquer et transposer des méthodes dans le contexte particulier d’un univers à évolution très lente, caractérisé par le long, voire le très long terme et par la diversité de ses facettes non seulement végétale mais aussi aquatique, animale et sociale. Il sera appelé à s’occuper de formations végétales aussi bien naturelles qu’artificielles; il devra tenir compte de contraintes sociologiques et économiques très différentes de celles rencontrées dans d’autres secteurs d’activité et il devra aussi assumer, plus longtemps que tout autre, les éventuelles erreurs du passé. Effectuer des choix et expérimenter des stratégies dont il ne verra que très rarement l’aboutissement implique, à l’instar du rôle multifonctionnel de l’espace boisé, cadre de son travail, que l’ingénieur forestier soit ouvert à un nombre élevé de disciplines et que ses démarches intellectuelles soient imprégnées de la rigueur et de la polyvalence indispensables à l’accomplissement de ses missions, nombreuses et diversifiées.

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52. Evolution de la notion de forêt au cours du temps Dans une large mesure, on ne peut dissocier l’évolution de la forêt de celle de l’homme. A cet égard, l’exemple de nos régions est très révélateur. Il mérite que l’on s’y attarde un instant. Pendant des centaines de millénaires , l’immensité des territoires boisés apparaît hostile à l’homme. Les biocénoses naturelles ne sont en rien modifiées. Elles sont en parfait équilibre avec le climat, le sol et divers autres agents biotiques. Nomades vivants de la chasse, de la pêche et de la cueillette, nos ancêtres, à partir du Néolithique, deviennent agriculteurs et pasteurs. Utilisant mieux leur intelligence, ils se fixent dans des endroits riches et fertiles et s’emploient à domestiquer la terre et les animaux. La forêt leur apporte bois de construction et instruments et ce n’est qu’avec la maîtrise du feu, permettant le défriche ment par brûlis, et du fer, entraînant le développement de la hache, qu’ils commencent à exercer une véritable pression sur la forêt. Les formations végétales naturelles st ables climaciques subissent alors leurs premières évolutions régressives. Incendiées et défrichées, elles font place à des formations secondaires ou artificielles instables. La forêt feuillue climacique, par exemple, largement répandue en Europe, est en partie supprimée pour être remplacée par des landes. Cultures et pâturages entrecoupant la forêt font désormais partie intégrante du paysage. Là où les coupes désordonnées et le pâturage s’exercent moins violemment la forêt s’éclaircit, des vides s’installent et s’enherbent, seules les essences capables de se régénérer par voie végétative recolonisent le terroir : c’est le taillis, forêt secondaire qui s’installe et qui, selon la fréquence des recepages et l’intensité des pâturages, parvient à se maintenir ou, au contraire, se dégrade jusqu’à atteindre le stade de la lande ou de la pelouse. Pratiques sylvicoles et pastorales nuis ibles impliquant pâturage, fauchage et essartage sévissent jusqu’à l’avènement de notre société industrielle, si bien qu’il est facile de comprendre l’état d’appauvrissement dans lequel certains sols se sont trouvés. Vers le milieu du XVIII e siècle, la majorité des forêts en place ou déjà dégradées sont les compléments obligés d’une agriculture extensive et autarcique; seule une partie du domaine boisé y échappe, réservé qu’il est, depuis le Moyen-Age, aux seigneurs et aux détenteurs du pouvoir. Le développement des forges, signe pr écurseur d’une ère industrielle sans précédent, va cependant aussi mettre ces massifs à contribution par le fait de coupes très importantes, compromettant les réserves de bois à tel point que des ordonnances générales, en particulier celle des Archiducs Albert et Isabelle en 1617, sont édictées. C’est ainsi que naissent les premiers aménagements forestiers destinés à régler les possibilités d’exploitation et l’organisation de la production ainsi que la récolte de bois dans l’espace et dans le temps. Oserions-nous dire que c’est à la même époque que naissent les premiers “contrôleurs” ou gendarmes de l’espace naturel : les forestiers, chargés de la mise en application de ces règlements et de la restauration des forêts à un moment où la révolution technologique et industrielle va libérer les massifs boisés des contraintes agricoles qui ont si lourdement pesé sur elles.

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6 Le bois fourni par la forêt devenait une matière précieuse destinée à satisfaire de nombreux usages. Accroître la production de la forêt en bois d’œuvre et d’industrie était le but à atteindre. Le manteau forestier allait progressivement s’allonger et se diversifier par le fait de la restauration de forêts délabrées, de l’enrichissement de futaies, de la conversion de taillis en taillis-sous-futaie ou encore de l’introduction de conifères. Tout ce qui vient d’être brièvement décrit est relatif à l’histoire de nos pays ou de nos forêts mais reste d’une saisissante actualité lorsqu’on veut bien jeter plus qu’un œil furtif sur les pays de l’hémisphère Sud où le manteau forestier n’arrête pas de se rétrécir, où les formations naturelles font place à des sols nus ou à des formations dégradées. Si ce n’était que le seul fait des pays et des populations concernées, on pourrait dire que c’est le prix à payer pour trouver la voie du développement. 3. Les diverses fonctions de la forêt : quelques réalités L’histoire des civilisations ne peut être dissociée de celle de la forêt. Biocénose stable à l’origine, elle peut être perturbée, reconstruite, mais aussi modifiée et détruite au cours du temps et selon la volonté de l’homme. Que les diverses fonctions assignées à la forêt aient été et soient toujours intimement liées aux besoins de l’homme ne fait aucun doute. Il faut évidemment distinguer l’échelle à laquelle on se place pour dégager les priorités ou rappeler les évidences. Raisonnant au niveau planétaire, je me rallierais volontiers aux chercheurs en écologie qui évoquent aujourd’hui le syndrome “déforestation – inondation – sécheresse”, désignant de la sorte un processus de dégradation en chaîne dû à l’homme. L’écosystème forêt doit être absolument préservé dans le cadre de la protection qu’il ne cesse d’exercer sur notre environnement : protection des sols et des bassins, maintien de la fertilité des milieux et de la qualité des eaux, protection contre le vent et l’érosion, prévention des inondations, acteur remarquablement efficace et très bon marché de dépollution atmosphérique. Il n’est pas exagéré de dire que la fo rêt constitue une véritable “bibliothèque” de la vie, par le fait des innombrables espèces végétales et animales qu’elle abrite ou qu’elle voit s’y réfugier et de l’extraordinaire stock génétique qu’elle constitue. Au niveau des nations “dites” développ ées ou “riches”, si la forêt remplit d’abord un rôle indéniable de production, à certains endroits ou dans certaines circonstances, d’autres fonctions dictées par des considérations sociales, d’ordre esthétique ou d’agrément prennent de plus en plus d’importance, comme si les espaces boisées étaient appelés à atténuer ou à corriger les inconvénients et les nuisances du monde industriel, tantôt au titre de bassin de décantation, tantôt à celui de havre de paix ou de poumons des villes. Que dire aussi des forêts très ou anormalement spécialisées réservées à la chasse pour certaines, ou bientôt sans doute au délassement pour d’autres. On voit donc nettement apparaître dans ces pays la notion de forêts à usages multiples – c’est-à-dire appelées à remplir plusieurs rôles simultanément – avec, si l’on n’y prend garde, toute l’ambiguïté que cela comporte au plan des politiques forestières nationales et de la cohérence des objectifs à atteindre. Nous y reviendrons,

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8- le respect des équilibres biologiques et physiques fondamentaux. Avant de traiter chacun de ces points, il convient de revenir un instant sur la notion même de forêts à usages multiples ou de peuplements plurifonctionnels évoquée précédemment. Elle peut en effet avoir des répercussions fondamentalement différentes sur la politique forestière d’un pays et sur la manière d’organiser la gestion des peuplements, selon que la polyvalence envisagée est organisée spatialement (à chaque peuplement correspond une affectation bien déterminée) ou localement (chaque peuplement ou massif considéré peut remplir plusieurs rôles simultanément à des degrés différents). La première hypothèse conduit à une forme de “sectorisation” de l’espace boisé ou encore à un véritable “aménagement” du territoire forestier dans une perspective de diversification. Quant à la seconde, selon moi, elle n’apporte que très rarement les garanties que chacun des objectifs visés soit réellement atteint. C’est un peu cultiver l’art de la facilité ou celui de ne pas décider car il est évident que fixer un ou des objectifs à atteindre dans un cadre déterminé de sol, de climat, d’économie et de société nécessite une analyse approfondie des paramètres en cause et implique que l’on accepte de gérer les risques. Venons-en au premier thème évoqué: l’augmentation de la productivité des massifs boisés. Il a toujours fait l’objet de l’attentio n du forestier comme de l’agronome pour ce qui regarde la spéculation végétale qui le concerne. Parmi les axes de réflexion pour demain, il conviendra d’analyser objectivement et sereinement la nature des moyens à mettre en œuvre. Ils sont nombreux ! L’amélioration génétique, poussée par des recherches de pointe et jouissant d’un a priori très favorable en est un, mais n’a-t-on pas déjà, dans certains cas, atteint un stade où il faudrait freiner l’enthousiasme débordant des manipulateurs de gênes ? Pensez donc : nous en sommes à la sélection individuelle et à la multiplication végétative des individus sélectionnés fournissant donc des individus identiques avec des résultats spectaculaires mais appelant des réserves et suscitant bien des interrogations. On sélectionne pour la rapidité de croissance, on sélectionne pour la résistance aux maladies, on sélectionne pour la qualité du bois, en un mot on sélectionne pour tout en faisant un extraordinaire pari portant sur des dizaines d’années. Quelle est réellement la part du potentiel génétique ou de l’hérédité, d’un côté, et des facteurs de l’environnement, de l’autre, sur une essence forestière, sans oublier les interactions inévitables et incontrôlables ? Des plants sélectionnés appelés à cons tituer un boisement devront toujours subir des soins culturaux et des traitements sylvicoles dont le suivi et la qualité seront essentiels pour l’avenir du peuplement. Les éclaircies, par exemple, opérations particulièrement déterminantes peuvent aujourd’hui, grâce à des modèles de simulation, faire l’objet d’une véritable programmation au cours du temps. C’est ainsi que fabriquer des peuplements “à la carte” est devenu parfaitement possible, tout au moins pour quelques essences privilégiées étudiées depuis très longtemps du fait de leur importance (c’est le cas de l’épicéa commun). Mais que sait-on réellement des éclaircies à pratiquer sur d’autres essences moins connues, plus particulièrement sur celles introduites voici moins de 100 ans, et traitées selon le “feeling” du sylviculteur ? A ce titre, des expérimentations rigoureuses restent nécessaires si l’on veut alimenter

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9avec des données de qualité des modèles réalistes et vérifier les hypothèses de travail parfois simplistes sur lesquels ils s’appuient. Rien ne sert de mesurer la grosseur d’arbres au millimètre près et d’afficher sur listing d’ordinateur des m3 au cm3 près, si l’on ignore toujours, par exemple, quelle intensité d’éclaircie on devrait appliquer à un peuplement pour observer une perte de production totale. Dans ses opérations de boisement ou de reboisement, le forestier devra aussi être de plus en plus attentif au choix des essences, non seulement en fonction des types de sols et de l’écologie même des espèces, mais aussi du type de forêt qu’il veut créer. Assez curieusement la recherche de la meilleure adéquation essence – climat – sol n’a pas toujours focalisé l’attention. Or, si des quantités phénoménales d’observations sont disponibles, avouons-le, elles apparaissent fréquemment en termes qualitatifs grossiers, que l’ingénieur forestier, biologiste avant tout, n’a pas toujours mesuré, c’est-à-dire traduit en chiffres, quand il l’aurait fallu et, aujourd’hui encore, les performances de croissance de beaucoup d’espèces vis-à-vis des conditions écologiques ou stationnelles font l’objet d’approximations, ce qui n’empêche pas de parler d’aptitude stationnelle en ignorant le nombre de mètres cubes de bois frais ou de tonnes de matière sèche produites ! Il en va de même pour ce qui concerne l’impact fondamental de la sylviculture sur la qualité du bois. Il est révolu le temps où l’on analysait la qualité du bois minutieusement, conventionnellement, à la manière d’un rite, pour fournir la valeur de paramètres tels que : la résistance à la flexion, la densité, ou encore la rétractibilité. Plantations d’arbres à croissance rapide ou cultures à courte rotation (on devrait dire révolution), c’est-à-dire exploitables après une dizaine d’années ou moins, sont d’autres moyens souvent évoqués et parfois même recommandés pour augmenter la productivité forestière. Mais n’est-ce pas une idée à la mode beaucoup plus qu’une réalité et les espaces sont-ils réellement disponibles pour ce type de spéculation? A moins que l’agriculture, malade ici, moribonde là-bas, ne soit prête à rendre à la forêt ce que la forêt lui a concédé. Attention, la marginalité de l’agriculture ne doit pas devenir la marginalité de la sylviculture ! Le développement d’une véritable foresterie paysanne pourrait faire son chemin en associant davantage l’agriculteur aux travaux forestiers : je pense aux premières opérations sylvicoles, y compris celles qui pourraient fournir du bois mobilisable avec des moyens peu onéreux (piquets et bois de plaquettes, par exemple, ). Essences nobles ou dites précieuses par la qualité de leur bois : merisier, frêne, chêne rouge d’Amérique, érable sycomore, noyer, outrageusement méconnues et reléguées à l’arrière-plan de la connaissance jusqu’il y a quelques années seulement, ouvrent la voie à un autre type de diversification et obligent le sylviculteur à revoir l’occupation des sols voués à la forêt ou occupés par elle. Il n’est pas loin le temps où cette véritable expertise portant sur l’analyse simultanée des milieux de croissance et des exigences des essences, tant indigènes qu’exotiques, pourra alimenter ce que l’on appelle des “systèmes experts”. Ceux-ci s’appuient sur l’expérience accumulée ainsi que sur diverses méthodologies d’aide à la décision qui devraient guider ou optimaliser les choix en fonction de contraintes liées au terrain, puis, si le degré de connaissance le permet, d’objectifs très variés et raffinés basés sur l’analyse des probabilités de production d’arbres de diamètres moyens prédéterminés, par exemple.

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10 La connaissance permanente des ressources boisées est une absolue nécessité admise par tous et pourtant peu de pays européens l’ont réellement traduite dans les actes. Les forestiers de terrain et les forestie rs de bureau, enfermés dans des carcans administratifs, n’ont-ils pas très ou trop longtemps considéré la forêt comme étant un monde à part qui avait peu à voir avec le monde économique parce que vivant à un autre rythme, parce que non-inféodable ou encore, d’une certaine manière, parce que étranger au développement industriel? Comparer la forêt à une industrie reste, aujourd’hui encore, un crime. Je commettrai donc un crime, car je pense que la forêt dans le contexte aussi bien écologique qu’économique, n’en déplaise aux écologistes les plus pointus, ne vivra qu’à la condition de s’intégrer dans une filière dont la source est le milieu de production et dont l’aboutissement est l’industrie, chargée de la valorisation des produits de la forêt. Une forêt digne de ce nom ne vivra qu’à la condition de fournir des produits de qualité, donc aussi et surtout de s’appuyer sur une sylviculture de qualité valorisée par l’industrie. Si tous ceux qui ont la forêt en charge disposaient aujourd’hui d’inventaires permanents touchant aussi bien le bois sur pied que la disponibilité ou la récolte à attendre dans le respect indiscutable des contraintes écologiques, ils auraient une arme redoutable pour protéger la forêt vis-à-vis des appétits parfois démesurés de l’industrie par rapport à la ressource réellement disponible. Quelle belle occasion, me semble-t-il, de démontrer une fois pour toutes qu’il ne faut pas confondre richesse naturelle renouvelable et richesse naturelle non épuisable ! Une autre question fondamenta le qui vient à son heure est la mobilisation des produits forestiers et leur valorisation . La mise en place d’une filière bois, dans la perspective économique de la forêt, bien entendu, implique d’approfondir l’interface forêt – industrie. De quels bois ou produits ligneux, reflets des exigences de notre société, celle-ci a-t-elle réellement besoin et comment organiser leur exploitation ? Il me paraît révolu le temps des conflits du genre : faut-il mécaniser l’exploita tion de la récolte et, corollaire, faut-il que la machine s’adapte à la forêt ou que la forêt s’adapte à la machine ? Curieusement le problème a été fort longtemps mal posé, car en termes de relation de forces ou d’opposition écologie-économie. N’est-il pas plus réaliste et plus sage de penser que si le forestier propose des choix raisonnés de types de forêts et de sylvicultures, la machine, eu égard aux progrès technologiques, s’adaptera. A quoi sert d’augmenter la productivité , si parallèlement on ne se penche pas sur tout ce qui concerne le mode d’exploitation des arbres en fonction de leur destination ou encore sur le classement des bois, source de diversifications s’inscrivant parfaitement dans le contexte des exigences d’une économie moderne nécessitant de fréquentes adaptations. A cet égard les modalités de mobilisation sont restées traditionnelles, ce qui traduit bien l’existence et le poids de deux mondes différents : celui de la production forestière et celui de la transformation industrielle. Et pourtant d’autres voies existent : par exemple, la création de chantiers de centralisation et de conversion, véritables super-marchés du bois de grume, apportent une valeur ajoutée parfois très importante aux feuillus de qualité et aux résineux difficilement valorisables.

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11 Ces dernières réflexions nous amènent tout naturellement à évoquer un autre point qui est celui de la gestion des massifs forestiers ou de la planification forestière. Les méthodes mises en œuvre restent fondamentalement très traditionnelles, même si l’informatique et l’analyse cartographique digitalisée en ont parfois partiellement modifié l’esprit et le développement. Il serait illusoire de croire que ces outils ont révolutionné les méthodes de planification. Sur le terrain on réalise seulement plus vite et de manière plus coordonnée ce que l’on réalisait avant. Il est par contre vrai de dire que ces mêmes méthodes ne proposent quasi jamais de démarche prospective alors que le long terme de la spéculation forestière l’exigerait. Les modèles de gestion font timidement leur apparition: ils partent de l’idée qu’il est possible de modéliser la croissance d’une forêt à partir de l’étude de la dynamique des peuplements ou de la croissance individuelle d’arbres dans des contraintes déterminées de compétition et de types de produits à fournir. On dispose aujourd’hui de modèles adaptés à l’évolution des peuplements bien déterminés et d’autant plus faciles à construire et à appliquer que le peuplement se prête à une mise en équation, c’est-à-dire qu’il est pur, équienne, et à croissance rapide. N’oublions pas cependant qu’une forêt se compose en général de plusieurs types de peuplements correspondant à plusieurs essences, mélanges d’essences et structures ou régimes (taillis, taillis-sous-futaie et futaie), une manière de rappeler aux concepteurs de modèles que la route est encore longue et semée d’embûches. Le temps est à la gestion non plus seul ement de la quantité mais aussi de la qualité. Elle est révolue l’époque où le forestier estimait que son rôle allait en s’estompant d’autant plus que l’arbre se rapprochait de son stade ultime de transformation. Le patrimoine forestier des pays temp érés n’a sans doute jamais été aussi étendu et productif et il continue de s’enrichir. Le véritable problème de la filière bois se situe moins au niveau de la capacité de la forêt à produire qu’au niveau des capacités de transformation du bois ainsi qu’à la recherche de nouvelles valorisations impliquant marketing et design, composantes d’une stratégie commerciale qui se fait trop timidement jour dans le domaine du bois et de ses dérivés. Quel gaspillage de temps que de pe rsister à travailler chacun dans sa spécialité : écologistes, phytosociologues, pédologues et dendrométriciens ou autres spécialistes concernés par la gestion des milieux boisés, ne sont-ils pas trop tentés de pousser leur science et leurs démarches intellectuelles jusqu’au raffinement ? L’informatique, à condition d’être bien comprise évidemment, a déjà fait considérablement évolué les mentalités. Elle donne l’occasion de reconsidérer avec un nouvel éclairage certains problèmes nécessitant la manipulation d’un nombre considérable de données, elle oblige aussi les compétences évoquées à s’asseoir à la même table. Nous en arrivons enfin aux équilibres biologiques et physiques fondamentaux si souvent mis en péril de nos jours. Deux exemples avec des effets différents en nature et en intensité expliciteront mieux ma pensée : le dépérissement forestier et les dégâts de gibier; dans les deux cas il s’agit bien d’une atteinte aux équilibres fondamentaux a priori non imputables aux forestiers mais devant nécessairement attirer son attention. N’a-t-il pas contribué à rompre certains équilibres en se lançant parfois intempestivement dans des

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